Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                        Il n'y a de recette de jouvence que le rire.
                       Partageons nos plaisirs. Vous lisez ! J'écris !      
  La surveillance des camps est lucrative (bijoux, argent, cheveux, vêtements récupérés, location de prisonniers aux usines d’armement Krupp, Flick, Quant, Siemens etc. L’IG Farben versera 20 millions de Marck pour la « location » de prisonniers durant deux ans. Á Sachsenhausen, sur les 157.000 détenus, furent récupérés : 54.000 bagues 52.000 montres, 14.000 bijoux, 170.000 marks, 58.000 dollars, 46.000 pièces d’or, 7 kilos d’or en barre… Ce camp ne représentant que 5% de l’ensemble des camps, on arrive à la somme 2.800 millions de marks pour la totalité des camps. Somme que s’est attribuée la SS.
  Le travail dans les "Camps de concentration et de travail" est d’un rendement dérisoires et les travaux demandés, souvent absurdes, sont exécutés en dépit du bon sens. Jamais d’ailleurs les SS n’exigeront productivité et compétitivité. Dans les camps d’extermination ils élimineront en quelques années plus de six millions d’hommes et de femmes. Y compris des prisonniers de guerre russes et hongrois. Himmler et surtout les surveillants SS par leur incompétence d’organisateur (l’administration des camps était confiée à des repris de justice) leur gestion humaine stupide qui élimine des individus en bonne santé capable de travailler tout en en astreignant d’autres à des tâches dépourvues de sens. En s’attribuant du matériel et des matières premières (acier, matériel ferroviaire et roulant, ciment etc.) grandement utile à l’effort de guerre de l'Allemagne, les SS portent une responsabilité importante dans la défaite allemande. Par exemple, ils élimineront des soldats russes, environ 60.000, sous prétextes qu’ils étaient slaves alors que dans le même temps ils embaucheront des Russes pour leurs usines d’armement.
  L’idée que les prisonniers des camps étaient des esclaves est fausse : l’esclave à un prix qui le rend précieux pour son maître. Les Allemands qui les employaient tenaient les prisonniers, fussent-ils ingénieurs ou savants, pour des sous-hommes inférieurs à l’esclave. Tout cela, cette gabegie, fait que en juin 1944, à l’époque du débarquement des alliés, dans la plus part des unités de la Waffen SS (et de la Wehrmacht), 30% des matériels étaient hors service et l’on manquait d’hommes et de munitions dans les mêmes proportions. Ajoutons que contrairement à la légende qui en fait des guerriers hors normes, les soldats de la Waffen SS au début des combats étaient d’une valeur très moyenne malgré un armement (chars et armes individuelles) meilleur que celui de la Wehrmacht. Ce n’est qu’après s’être battus sur le front de l’Est qu’ils acquerront une certaine valeur tactique.
  Il est difficile d’énumérer ici tous les crimes, nombreux, imputables à la Waffen SS. Citons seulement une partie de ceux qui, après l'armistice, constitueront les faits répertoriés faisant l’objet de procès pour crimes de guerre. La SS Leibstandarte fusilla pendant trois jours des prisonniers soviétiques en 1942. La SS Totentenkopf fusilla cent prisonniers alliés en 1940 durant la bataille des Flandres... Les soldats SS et les milices locales, chargés d'épurer et sécuriser les arrières de la 
Wehrmacht dans les operations de l’Einsatzgruppen (2), assassinèrent par balles 500.000 Juifs Polonais et Ukrainiens (voir le ravin de Babi Yar près de Kiev, le plus connu qui servit de fosse commune à 40.000 juifs les 29 et 30 septembre 1941…). 600 Juifs de Galicie furent assassinés par SS Wiking, 920 Juifs assassinés par SS Das Reich à Minsk, sans oublier Tulle (99 pendus) et Oradour-sur-Glane (642 morts). En 1944, 71 prisonniers US seront fusillés dans les Ardennes par la SS Leibstandarte. Partisans yougoslaves torturés et exécutés par SS Prinz Eugen. Assassinat de 64 prisonniers canadiens et anglais par SS Hitler Jugend (des adolescents de 16 et 17 ans) etc. Répressions, tortures, assassinats ont jalonnés les déplacements de la Waffen SS. Sans oublier naturellement leur participation active à la Shoa.                                                                                                                          
                                                                                                                                            Image du ghetto de Varsovie.
Shoa par balle par les Le ghetto de Varsovie n'existe plus.
Einsatzgruppens
 Einsatzgruppen       
                                                                       









                                                                                                                              
4- Hitler adhère aussi aux divagations ésotériques et puériles d’Himmler.
 
 LAhnenerbe (héritage des ancêtres) fondée par Himmler est une organisation pseudo scientifique dont le but est de démontrer la supériorité de la race aryenne et ainsi créer l’Urgermane, l’homme d’essence divine, guerrier invincible, résistant au froid et doté de facultés surnaturelles. L’Ahnenerbe recherchera avec sérieux la religion originelle des Aryens dans les gravures pariétales du Bohusland suédois. La partie médicale de cette Ahnenerbe est dirigée par le SS docteur West, recteur de l’université de Munich, qui suit de près les expériences « spéciales » menées par les médecins SS des camps, les Mengele et consort.
   Hitler et ses proches  approuvent aussi la théorie de la Glazialcosmogonie d’Hörbiger, cosmogonie représentée par une lutte cyclique du feu et de la glace, le mythe de Thulé et d’Hyperborée, celui des êtres souterrains, les Vril-Ya. Autant de fables qui renforcent les certitudes des hauts dignitaires sur l’origine exceptionnelle des Aryens, peuple du froid, et leur hégémonie sur les autres hommes. En tout état de cause les unités de la Waffen SS et de la Wehrmacht envoyées en Russie n’auraient jamais dû souffrir du froid, alors que durant la bataille de Stalingrad ils gelaient sur place. Des Supérieurs inconnus nés d’une antique civilisation (venus d’Aldébaran selon Himmler) devaient se manifester pour aider les SS à changer l’humanité ! 


5- Comment cela a-t-il pu arriver ? (Wie Konnte es geschehen).
    
Comment tous ces crimes ont-ils pu être commis par des soldats ? Redoutable question que les Allemands durant la période de dénazification, en 12 procès distincts au lendemain de la guerre se sont naturellement posés. Nombre de philosophes, d’historien et de chercheurs de tous crins ont tenté d’élaborer une théorie explicative. Hannah Arendt dans son livre « Le système totalitaire » y répond en partie par l’organisation à la fois floue et serrée du système nazi. Floue parce que les postes de commandement et de décision sont multipliés et démultipliés autour d’une mission unique. Ce qui a pour but de ramener la prise de décision finale au Führer, même pour des vétilles. Serrée parce qu’une discipline de fer corsette la pensée et aboli toute initiative. Le chef, Adolph Hitler, a toujours raison et ne peut se tromper (4), par conséquent tout ce qu’il ordonne doit être exécuté à la lettre sans réticence ni murmure. Befehl ist Befehl (Un ordre est un ordre) dira le SS Eichmann lors de son procès. La notion même de chef (Führer) envahit toute l’organisation allemande. On est chef de bureau, chef de tramway, chef de train et toujours le chef -qui a toujours raison-, couvre ses subordonnés. Hannah Arendt attribue aussi la passivité des juifs qui étaient conduit dans les camps par le fait que dès 1933 ils furent systématiquement dévalorisés et progressivement déshumanisés.
   On peut représenter le système nazi par trois cercles. Le premier, le plus important en nombre est formé des sympathisants et partisans qui ont infiltré tous les rouages de l’Etat et de la société civile. Le second celui des dignitaires, un millier de fanatiques affectés à des postes élevés et interchangeables servent de courroie de transmission. Le troisième cercle est celui des intimes d’Hitler, une cinquantaine qui prennent toutes les décisions. Ce dernier cercle se trouve considérablement éloigné des réalités et baigne dans une mythomanie où rien n’est impossible. Malheur à qui contrarie le Führer.  Son propre beau-frère, époux de la soeur d'Eva Braun, le SS général Fegelein sera fusillé sur son ordre le 29 avril 1945 pour avoir voulu quitter le bunker avec sa femme quelques heures avant la fin. Une autre raison tient dans le caractère même d’Hitler, son orgueil, sa mythomanie, le porte à ne prendre conseil de personne. Il voit l’avenir sous la forme d’une suprématie de la prétendue race aryenne couvrant toute l’Europe et en particulier les pays de l’Est, berceau supposé des Aryens qui en furent chassés. Il envisage froidement de supprimer Russes et Polonais (170 millions d’individus) pour installer des Allemands et réinvestir ainsi le pays des ancêtres.


6-En résumé : 
    La mégalomanie et les convictions idéologiques, quasi religieuses, des dirigeants nazis, l’organisation poussée de l’industrie de la mort à laquelle toute l’Allemagne participera, le mépris des peuples non germaniques, en premier lieu des Juifs, Tziganes et Slaves qualifiés de sous-hommes, l’obéissance aveugle aux ordres (à l'égal d'un dieu le chef ne peut se tromper), l’éparpillement des centres de décision et leur fractionnement extrême qui décharge chacun de ses responsabilités, sont les bonnes réponses à la question : Comment cela a-t-il pu arriver ?
  Ont-ils été punis suite aux crimes de guerre ? Quelques-uns ; trop peu. On lira avec profit les minutes des procès, en particulier celui de Nuremberg. Le général Heinz Bernard Lammerding commandant de SS Das Reich à l’époque d’Oradour-sur-Glane fut condamné à mort par contumace à Bordeaux en 1948 mais mourut dans son lit en 1971 à Munich. Nombre d’officiers SS se sont réfugiés à l’étranger en Amérique du Sud et dans les pays arabes comme l’Egypte aidés par des prélats du Vatican et des moines Croates qui leur fournirent papiers et argent. Cependant en Allemagne les crimes de guerre contrairement à la France, sont imprescriptibles. Les meurtriers des 124 habitants de Maillé en Indre et Loire (œuvre de la Waffen SS ou de la Wehrmacht ?) assassinés le 25 août 1945 seront forcément connus un jour ou l’autre. Quelques SS et soldats allemands se retrouvèrent également dans la Légion étrangère française dont les chants de marche, même dans les années 1960, rappelaient furieusement les chants nazis. 
    
                                     
  
Bibliographie :
- Bréviaire de la haine  de Léon Poliakov
- Histoire des Français sous l'occupation d'Henri Amouroux
- Historia hors série n°21, n°226,232,231 et 223
-Wikipédia et l'Encyclopédie Universalis ainsi que de nombreuses revue comme la Gazette des armes et les Dossiers Secrets du 3ème Reich.
- Les origines du totalitarisme (1951) Hannah Arendt 

 

ANNEXE

  (1)Himmler : Capable de fournir un immense travail mais comme un automate routinier, son fanatisme est profond, tumultueux et sincère. Il croit à ce qu’il dit et ne recule devant aucun crime pour réaliser les objectifs que lui fixe son Führer. «Froid, calculateur, avide de pouvoir, mauvais génie de Hitler, l’individu le plus dénué de scrupules du IIIème Reich» dira de lui le Général Friedrich Hossbach.         
  ( 2) Dans les premiers mois de l’année 1942 dans les pays balte, en Ukraine et URSSS, les groupes d’extermination (Einsatzgruppe formés de policiers en majorité) font leur bilan (provisoire):
 Einsatzgruppe A : 29052 exécutions.
 Einsatzgruppe B : 45467 Juifs exécutés.
 Einsatzgruppe C : 95000 Juifs exécutés.
 Einsatzgruppe D : 92000     "        "     .
 «Toutes actions réalisées sans incidents » se vantera Otto Ohlendorf à son procès. Derrière les Einsatzgruppe passent des régiments de SS chargés de compléter l’extermination. En un seul mois le SS Jeckeln pour son bataillon annonce 44125 exécutions.
 (3) L’ordre du Führer pour les pays occupés est clair « Il faut détruire sans merci toute opposition passée, présente et future au national socialisme. »
 (4) Les juristes allemands de cette époque abondent dans ce sens. ( Hitler ne peut se tromper)


Jean-Bernard Papi © 2009-2019