Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

Snipers de luxe.

Mardi 18 Novembre 2025
Snipers de luxe.
  À la suite de la plainte contre X déposée par le journaliste et écrivain Ezio Gavazzeni, l’Italie ouvre enfin une enquête concernant les protagonistes italiens des « safaris humains » qui se sont déroulés de 1992 à 1994 à Sarajevo durant la guerre des Balkans. On ne peut pas dire ici que la justice italienne soit plus rapide que la justice française car le dossier de dix-sept pages déposé par Gavazzeni ne dévoile pas des faits inconnus. Par exemple, sachant que les amateurs Italiens de ces safaris d’un genre particulier passaient par Trieste, les services secrets de la péninsule reconnaissent avoir fermé ce passage en 1994 après en avoir été informés par les services bosniaques. Également, entre temps, un livre fut écrit et un documentaire fut tourné. (1) 
  Quels sont ces faits ? Des Italiens du nord (de Lombardie, Piémont, Venise), mais aussi des Français, Allemands, Anglais etc. payaient les milices Serbes de Bosnie de Radovan Karadzic (2) qui encerclaient Sarajevo, pour avoir la faveur de jouer les snipers. Et concomitamment d’abattre un habitant de Sarajevo : un adulte (facturé X dollars) un enfant (plus cher) voire un vieillard (gratuit). Rappelons que la guerre des Balkans à la suite de l’explosion de la Yougoslavie, a durée de 1991 à 2001 et qu’elle a débouché sur la création de multiple états.
   Concernant la Bosnie, le siège de la ville de Sarajevo par les milice Serbes de Bosnie (3) se déroula d’avril 1992 au 26 février 1996 lequel se caractérisa par d’intenses tirs d’artillerie et par une action continue de leurs snipers depuis les collines. Outre ce siège, cette milice pratiqua tant d’exactions, viols et massacres que nombre de ses chefs furent traduits devant les tribunaux internationaux et punis. 11.541 habitants furent tués dont 1500 enfants ; la « part » des snipers ne m’est pas connue mais il faut se souvenir qu’ils tenaient sous leurs feux nombre de voies de circulation en particulier la rue Mesa Celinovic surnommée « Sniper Alley ». « Pazit snipers » affichait-on dans la ville, c’est-à-dire « Gare aux snipers ».
  Que les militaires cherchent à éliminer leur ennemi par toutes sortes de méthodes, le tir du sniper n’étant pas la plus glorieuse, c’est dans les règles de la guerre, mais que des civils étrangers à l’action viennent, derrière des sacs de sable commettre en toute impunité un crime gratuit sur des gens désarmés sortis pour acheter de la nourriture me sidère et me révulse. Qui étaient ces snipers du dimanche  qui reconnaissaient n’éprouver ni haine ni esprit partisan à l’encontre de la population et qui se promenaient dans les collines en tenue de chasse ? Des hommes essentiellement, passionnés d’armes, grands amateurs de sensations fortes et de poussées d’adrénaline ayant épuisé tous les safaris africains et sibériens possibles. Ces individus, dont le nombre total est estimé entre 100 et 200, étaient pris en charge par la milice Serbe pour 80.000 à 100.000 dollars par jour puis conduits dans les collines jusqu’à un poste de sniper équipé d’armes de précision. Des gens sans scrupules et sans moralité, obnubilés par la passion de tuer et le goût du sang ; certains italiens dit-on appartenaient à l’extrême droite italienne, ce qui ne justifie ni n’excuse leurs crimes. Ils avaient les moyens financiers de se mettre dans la peau d’un assassin et avaient pris soins de se protéger juridiquement probablement grâce à des relations hauts placées, bref la crème du banditisme amateur et du mafiosi. On cite un directeur de clinique esthétique de Milan…
  Quand est-il des amateurs Français ? Depuis trente ans certains ont rejoint leurs victimes dans l’au-delà, mais même s’il n’en reste qu’un il doit être traduit en justice. Les terroristes qui ont fait 132 victimes à Paris en novembre 2015 ont soulevé en nous des abîmes d’horreur. Hélas ! nous devons admettre que nous avons en France, installés dans le luxe et capables du pire, des terroristes impunis qui ne valent pas mieux, et qui peut-être aujourd’hui donnent des leçons de civisme et de citoyenneté urbi et orbi.
Jean-Bernard Papi ©
 
(1) Luca Leone a écrit : I bastardi di Sarajevo et Miran Zupanic a produit le documentaire « Sarajevo Safari ».
(2) Radovan Karadzic a été condamné à la prison à perpétuité pour génocide et crime contre l’humanité.
(3) Les Serbes souhaitaient établir dans l’ex Yougoslavie « Une grande Serbie ».
 

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