De bons petits diables.
Collège Françoise Dolto, l’assassinat de cette surveillante par un gamin de même pas 15 ans. Révulsant… Le nom de Dolto me remet en mémoire une anecdote familiale, une sorte de vision allégorique du futur dans lequel Françoise Dolto jouait le rôle d’inspiratrice à son corps défendant. Les rôles principaux étaient tenus par la famille de mon oncle Michel descendue de Paris pour deux jours chez mes parents avant de rejoindre l’ile d’Oléron où ils camperaient. Peiné de ne pas avoir d’enfant avec sa première femme, mon oncle s’était remarié et avait dans un âge, que l’on dirait aujourd’hui bien mature, vu son rêve de bambins réalisé en la venue de deux garçons Michel-Guy et Guy-Michel. Lesquels au moment de cette histoire avaient respectivement onze et douze ans.
Cela faisait plusieurs années, cinq ou six au moins, que nous ne les avions vus pour la dernière fois nous laissant le souvenir de rejetons braillards et baveux. Dire qu’ils étaient devenus turbulents atténuera à peine le fait qu’ils étaient impossibles à vivre, mal élevés et aussi souhaitables comme co-locataires qu’un nid de frelons asiatiques. À peine débarqués ils bondirent dans nos chambres pour faire l’inventaire de nos frusques et de nos jouets renversant les tiroirs de nos commodes, vidant coffrets et boîtes où nous cachions nos petits secrets enfantins mes sœurs, mes frères et moi. Pire, ils dévastèrent ma petite bibliothèque et mon bureau, lisant et jetant mes lettres avec l’ardeur d’un renard dans un poulailler éparpillant les cadavres. Ils s’approprièrent quelques bouquins sans me demander mon avis « pour lire dans l’ile d’Oléron » ou faire des avions en papier voire des boulettes. Même la chambre des parents fut visitée sans retenue ni pudeur. Et tout ça, cette dévastation, fut reprise plusieurs fois durant leur séjour.
Mon oncle Michel soutenait que c’était Françoise Dolto (pédopsychiatre reconnue) qui, dans ses causeries radiophoniques (1), conseillait de laisser la bride sur le cou aux enfants dès leur plus jeune âge afin qu’ils satisfassent leur curiosité naturelle, ce qui favoriserait leur autonomie, leur épanouissement et leur éveil à la vie. Bref du vent pseudoscientifique religieusement écouté et forcément mal compris. Comment comprendre une théorie nouvelle lorsque l’on ne peut interroger le conférencier et que, obligatoirement on se forge sa propre opinion à travers un langage et des concepts qui vous sont inconnus et vous dépassent ? Causeries dans lesquelles le coup de pied aux fesses était vertement prohibé et la baffe assimilée aux mises à mort moyenâgeuses. Ainsi jamais mon oncle et sa femme n’élevèrent la voix pour ramener le calme chez leurs chers petits, au contraire, ils approuvaient et les trouvaient délicieux et plein d’idées. Malheur à nous si nous protestions, nous devenions alors des monstres d’égoïsme. Ensuite mon oncle passait derrière eux pour remettre tant bien que mal les choses en état.
-Tu comprends, me disait-il alors, à Paris nous avons un tout petit appartement avec peu de place pour les jouets et les objets personnels. Ils dorment sur des matelas dans la cuisine alors ici dans votre grande maison, ils explosent. Ils visitent les recoins et les pièces comme autant de cachettes recelant des choses merveilleuses, ça aide au développement de leur imagination. Pour eux ici c’est comme l’Ile au trésor de Stevenson.
Pauvre Stevenson ! Certes ils eurent de l’imagination et quelques autres qualités en prenant de l’âge mais manquèrent singulièrement d’éthique et de sens moral au point, vers leur vingt ans, de se faire piquer à vendre de la drogue rue Mouffetard à Paris. À la suite de quoi ils furent embastillés. Puis ils eurent des enfants à leur tour et, sans l’aide personne, leur apprirent à vivre selon leur propre expérience. Et bis repetita…
Jean-Bernard Papi ©
(1) « Lorsque l’enfant parait. » causeries radiophoniques, vers 1976.
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