Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  
                              Poèmes sans moi.







Président

 
Je m'adresse à Toi, Ô Grand Commandeur                                       
de tes seuls croyants : 
À quoi pensais-tu tout à l'heure
quand de ton pas élégant
tu escaladais les marches du Palais
du Palais immatériel de la télé ?
À quoi penseras-tu dans l'instant
quand de tes paupières plaquées de rimmel
tu m'adresseras un clin d'oeil
un clin d'oeil désabusé mais charmant
le clin d'oeil télévisuel                                                            
de Nounours aux petits enfants ?
 
Les mains bien posées à plat sur le portefeuille
tu demandes : C'est à moi ?
à l'ampoule rouge braquée vers toi.
 
L'ampoule rouge te répond :
Dans trois minutes monsieur le Président !
Alors tu regardes une fois encore le cul
si beau si plein si rond
de madame la journaliste
qui aurait pu gagner des mille et des cents
avec un si beau cul
À Abidjan ou en Arabie Saoudite.
J'aimerais bien qu'elle me suce, pense le président
distrait.
 
Encore deux minutes, dit l'ampoule dans l'ombre.
Machin m'a dit qu'elle couchait
facilement,
pense le président
qui voudrait bien être du nombre
de ceux qui ont baisé la dame
qui a ce cul royal
et cœtera.
 
Il doit répondre à nos questions : charges sociales
sécurité, santé, tout y passera.
C'est son chef de cabinet qui écrit ses discours
un garçon plein de mérites et de charme
qui y arrivera.
D'ailleurs il a sauté la journaliste.
Demain ministre
après-demain président.
Il lui laissera la place quand il prendra sa retraite
de président, près de Saint-Flour.
 
Encore une minute, monsieur le Président !
Elle va m'emmerder avec ses clodos,
ses sansabris,
ses têtes de veau
la jolie bouche en cul de poule
de la journaliste qui est si bien foutue !
C'est qu'il se moque éperdument 
des sidéens, de leur tronche pourrie
de vétérans de la dernière, des bougnoules
des nègres, des chinetoques
des Tutsis et des Hutus
désanpapiers, désabbépierre, et dépédoques...
Car il bande.
 
Le Président bande
derrière le bureau
un bureau signé Boule
tout de même.
Nom de Dieu que c'est beau
que c'est bon ce petit "vive la France"
qu'il croyait en carême
retiré du monde et de la foule,
mort pour tout dire.
Ce petit "vive la France" n'était qu'en vacances.
 
Il la décorera lui-même de la Légion d'honneur
il la lui épinglera sur son cul d'élite
qu'il embrassera à genoux
sur les deux joues
elle aura droit au tapi rouge à fleurs
aux Gardes républicains, aux CRS, aux jésuites
aux petites filles des écoles
afin qu'elles en prennent de la graine
aux écrivaines, aux marchandes de pétrole
aux banquières, aux juives, aux Anglaises et à la Reine.
Je la ferai Ministre écologique du cul des femmes.
Puis je l'épouserai
nous irons chasser le loup de Sibérie
le chacal, la baleine, l'hippopotame
le papillon, le dodo. Au dodo la raie...
au sol, elle et son mistigri...
 
Sept secondes monsieur le Président
Six, cinq, trois deux un à vous !
À moi ?
À moi qui suis dans cet état !
 
L'Etat, mes chers concitoyens...
La vérité demandez-vous madame ?
Vous voulez la vérité ?
Pour une fois !
Une seule fois
et après plus rien !
Alors écoutez bien mes chères victimes
haut et fort je le proclame
madame la journaliste de la télé
a un cul ! Un cul sublissime !

Jean-Bernard Papi © 

                                                 



Maître.
 

 
Aspirer jusqu’à en crever
la dernière goutte de sommeil.
Ce jour sera sans pensée
sans pain, sans vie, sans rien;
 
C’est dimanche, il pleut dehors
et les manifs battent des records.
 
Toi chat, aux yeux pâles comme l’aube
entrevu entre les draps froissés
toi qui griffe sur ma nausée
qui réclame, verbe de fauve.
Toi mon maître mon chat
dans mon désordre lové
qui ronronnes à l’envol de l’autre.
 
Parti l’amour, en fuite le feu.
finis houppettes, bottes et bas
culottes ici et dentelles là.
Va t’en la belle, mon chat le veut.
Je n’entends plus la rue et ses tambours
le drame se joue en la plus basse tour.
 
Et mon ciel soudain s’emplit de larmes
car Maître se meurt et j’ai planté la lame.

 
  Jean-Bernard papi©
 

à suivre