Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

                                           Poèmes sans moi.








     Poème "Sur la mort de ma mère" illustré par Dominique Peyraud




 Vous autres, écoutez-moi car ma mère va mourir !
Il faut que je le crie
j'ai un poids qui m'accable
et qui me tire au fond
comme une pierre au cou.
 
Ecoutez-moi, vous !
Arrêtez-vous ici, car ma mère va mourir !
 
Je sens que s'amenuise
son âme entre mes doigts
celle qui fut une,
pleine et large, et brillante
comme une ardente lune
la voici comme un point qui me fuit.
Qui s'enfonce dans la nuit.
Ecoutez-moi, tous
je veux que vous sachiez
que ma mère va mourir !
 
Je ne l'ai pas aimée
et de son amour n'ai guère de souvenirs
cependant, j'ai des regrets amers.
Non, je ne l'ai pas aimée
pas assez.
 
Je l'ai fait comme on aime
un livre, un bijou,
quelque chose d'éternel.
On a bien le temps d'aimer l'éternité
n'est-ce pas ?
Dites-moi !
Il faut que l'on me dise, car ma mère va mourir.

 
Et que ferai-je de son corps
qui ressemble si peu au corps d'une femme
moins encore à celui de ma mère ?
Qui le voudra ce corps
dont la chambre aujourd'hui est toute transformée ?
Qui le voudra ?
dites-moi
vite, car ma mère va mourir !
 
Je frissonne et j'ai froid
fermez bien les fenêtres
et bouchez les serrures
que l'on mette du foin
aux coeurs des cheminées.
Que mes filles s'assurent
que les portes soient closes
car l'âme de ma mère
ne doit pas s'envoler.
 
Ange, écoute-moi
je veux que tu t'en ailles !
Ma mère ne peut mourir !
Et vous tous, quand il sera dehors
saisissez vos fusils
car je ne veux pas qu'au ciel ou bien ailleurs
il puisse raconter que ma mère se meurt.


Jean-Bernard Papi ©




à suivre,