Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                        Il n'y a de recette de jouvence que le rire.
                       Partageons nos plaisirs. Vous lisez ! J'écris !      
  
                                                                                                 

        Contre le politiquement correct.

                                
                                          Essai sur le droit à l'insolence.
                         

                                                                  


 

 


 Il y a un très grand et très naturel plaisir à refuser d'aller là où la télé veut nous amener et à rejeter les idéaux qu'elle veut nous inculquer collectivement. Regardez bien pourtant les gros yeux grondeurs de la dame, ou du monsieur des infos, voyez comme ils voudraient nous persuader que la vérité est de leur côté et pas ailleurs. « Enfants stupides, semblent nous dire ces yeux exorbités par le désir de convaincre, regardez ce que vous faites de ce monde ! Voyez comme le malheur le frappe ! Tremblez, débiles ! et écoutez-nous, laissez-vous aller, nous pensons pour vous car il n'y a pas d'humains heureux hors de notre giron ».
  Eh bien si ! on peut être heureux dans la désobéissance télévisuelle et en voici la recette. Commencez d'abord par être un bon hédoniste et recherchez les plaisirs physiques tout en fuyant la douleur. Si, pour vous, les plaisirs du corps sont infiniment plus délectables que ceux de l'esprit, alors allez-y à fond. Pour les autres, si atteindre à la plénitude des sens est difficile, dites-vous bien qu’avec un peu de volonté, et de masturbation, on y arrive. Puis forgez-vous une philosophie personnelle dite "de comptoir". (Alexandre Comptoir de Bar, philosophe exceptionnel de l'époque contemporaine, célèbre pour la brièveté de ses pensées, une sorte d'ancêtre de Houellebecq). 
   Ainsi si la télé vous montre des peuples X ou Y qu'elle prétend malheureux comme les pierres, frottez-vous les mains de satisfaction et examinez avec un oeil neuf et repu ce qui vous entoure. Vous avez un logis, solide bien à vous ou en passe de l'être ? une voiture qui tourne rond ? une bibliothèque bien pleine, sinon que ficheriez-vous là à me lire ? Vous avez aussi une femme (ou un mari) aimante (aimant), une maîtresse (ou un amant), des biens matériels coûteux, comme ce sofa de soie sur lequel vous vous vautrez voluptueusement ? des tableaux contemporains incompréhensibles ? une chaîne Hifi hors de prix dont vous êtes fier, alors qu'attendez-vous pour laisser éclater votre joie ! Jouissez et réjouissez-vous devant ces idiots qui ont tout perdu - inondation, tremblement de terre, tsunami ou guerre- ce que vous possédez n'en prendra que plus de valeur à vos yeux. Et si la télé affirme que ces gens, par-dessus le marché, ont froid, faim ou soif, servez-vous un grand whisky, montez votre chauffage de cinq degrés ou mettez en route la climatisation et ouvrez une boite de foie gras. Faites confiance "aux humanitaires" pour les aider que diable ! Que ficheraient-ils dans cet endroit paumé s'il n'y avait rien à gratter ? Après tout, personne ne leur a demandé d'y aller, et s'ils y sont, et bien là encore, la moindre des choses c'est qu'ils viennent en aide à leurs voisins sans lésiner. Saint Martin -quel succès planétaire-, ne fit pas autrement avec sa pélerine.
    Des blacks, -des nègres quoi !-, tentent-ils de traverser la méditerrannée sur des barcasses sur le point de couler, félicitez moralement les passeurs qui leur fournissent de telles embarcations, ce sont des emmerdeurs potentiels qui vont bientôt débarasser le plancher, si l'on peut dire. Si un bateau d'ONG intervient pour les secourir, criez au négrier, à l'esclavagiste et faites courir le bruit qu'ils seront vendus pour presque rien une fois débarqués dans le premier port arabe. Vous montre-t-elle, cette télévision, un bombardement nocturne ? (Les plus beaux, aurait dit Apollinaire). Admirez le somptueux rougeâtre des sillages du phosphore qui brûle dans les obus traçants, et cet azur, indice d'une température de 3.000 degrés, qui accompagne les explosions. Submergé alors par la joie saine que provoque en vous ce spectacle viril, et le bonheur d'être en sécurité, profitez-en pour enlacer votre femme (ou votre mari) et laissez-vous aller à lui murmurer des mots tendres. N'hésitez pas à pousser plus loin l’avantage... 
   Voici un désastre écologique, prétend la télé, une forêt en feu par exemple ou un ouragan quelque part. Souriez à votre plante verte pour la tranquilliser, puis ouvrez grand votre fenêtre, humez vigoureusement l'air et rassurez-vous, la qualité du vôtre est irréprochable. Comme est irréprochable votre environnement que vous contribuez à maintenir en l'état en payant toutes sortes de taxes et impôts. Dites-vous alors que les imbéciles, ou les inconscients, qui ont provoqué cette catastrophe n'ont eu que ce qu'ils méritent et que tout le monde ne peut pas vivre au paradis. Et puis comme ces catastrophes ont toujours lieu très loin, la nature aura cent fois le temps de tout remettre en ordre avant que vous ne vous y rendiez, si jamais il vous prend l'idée bizarre de visiter ce pays de fou. Hulot et Greta Thunberg ne sont pas de vos amis ? Criez-le sur les toits car vous n'êtes ni schizophrène ni parano ; de plus vous n'appartenez à aucune minorité comme les LGBTQ et j'en passe, ni racisé (sic) ni dominé ni dominant. Vous êtes mâle blanc ou femelle blanche, hétéro sexuel à géométrie variable, gaspilleur occidental et fier de l'être !
   Lors du décès d'un illustre pékin, Johnny par exemple, annoncé à la télé à grands reniflements et sorties de mouchoirs surtout s'il est du monde médiatique, tâtez-vous donc. Voyez comme vos muscles fonctionnent bien, comme votre cerveau, la belle machine, est encore capable de trouver les mots qui payent au scrabble. Vous êtes loin de l'échéance, cela saute aux yeux et votre médecin est formel, vous êtes en pleine forme. Alors réjouissez-vous et avec vos proches, ouvrez donc une bouteille de champagne millésimé ! Faites la fête et dites-vous que sept milliards d'individus sur terre c'est beaucoup trop et que plus il en mourra et mieux elle se portera. Appliquez ce raisonnement pour les grandes épidémies annoncées, même et surtout le choléra ou la rougeole, aux accidents de plus de cinquante morts, avions ou bateaux, aux catastrophes naturelles à grande échelle, aux génocides, aux guerres interethniques etc. Vous raconte-t-on les fantaisies de ces sectes qui se suicident collectivement pour rejoindre Sirius ou Jésus dans la queue de la comète Ale-Bopp ? Applaudissez, c'est une preuve que la sélection naturelle n'est pas une vue de l'esprit (1). Ouvrez donc une deuxième bouteille et allez chercher une nouvelle boite de foie gras ! Sévice chez les oies ou canards que l'on gave ? Ricanez, haussez les épaules et servez-vous largement.                                                                                 
   Affiche-t-on sous vos yeux aux infos et pendant le repas bien entendu, quelques mal-nourris, pire une image de famine ? Rotez et invitez ceux qui vous entourent à en faire autant. D'abord, roter favorise la digestion et permet de redoubler d'appétit. Cela ne gêne que les pisse-froids et c'est même très bien porté chez les musulmans, gens en général assez prompts à se dire victimes, il faut l’admettre, et à pousser leurs morveux rachitiques vers les caméras. Il est clair, de toute façon, que là aussi l'équipe de tournage, une fois le devoir d'information accompli, aura eu à cœur d'inviter le gamin et toute sa famille à se goberger à leurs frais dans le meilleur restaurant du coin. Vu le nombre de journalistes qui grouillent sur le terrain, cela fait beaucoup d'assouvis, inutile donc de demander à Dieu de multiplier les petits pains. Les journalistes doivent, plus que tout le monde, et surtout que vous qui n'êtes pas sur place, rester exemplaires. Maintenant si vous détenez la preuve qu'ils sont rentrés chez eux l'âme en paix, ces égoïstes, sans avoir bougé le petit doigt pour l’affamé, criez haut et fort au crime contre l'humanité et descendez dans la rue avec une pancarte et une casserole.
  Si, sur l'écran, s'affiche une adresse, un CCP où envoyer de l'argent pour sauver une peuplade perdue, ne vous laissez pas embobiner. Il s'agit là tout bonnement d'un appel à payer une taxe, une de plus, qui ne veut pas dire son nom. Le monde médiatique tout entier jusqu'au lampiste espère sa part et le service de la redevance plus que quiconque qui emploi 1445 fonctionnaires qui ont faim et soif. Peut-être même s'agit-il d'une caisse noire destinée aux Russes, à l'ex KGB ; ce CCP, n'est-il pas le nouveau sigle de l'ancienne CCCP ? De toute manière si vous voulez dépenser votre argent, faites-le donc chez le pâtissier. Il s'agit d'un service de proximité qui mérite votre attention et qui est une source de béatitude infiniment plus digne d'intérêt que des va-nu-pieds à l'autre bout de la planète.
   N'hésitez pas à ajouter à votre hédonisme une petite touche de cynisme. Affirmez haut et fort, dans toutes les réunions où vous êtes convié, que tout ce qui vous entoure pue la pourriture, la charogne et la corruption. Répétez partout que le monde est pourri, que les hommes politiques sont pourris, que la politique elle-même est pourrie, et décidez immédiatement de tout faire pour vous faire élire à la députation afin d'avoir accès au gâteau à votre tour. Vous connaissez votre député ? ce minable qui ne reconnaît pas sa main droite de la gauche ; allez le voir, saluez-le chapeau bas, devenez de ses amis, au besoin présentez-lui votre femme (ou une copine), prêtez-lui de l'argent ! Faites que l'on vous voit en sa compagnie, que l'on vous photographie à ses côtés, écrivez ses discours d'inauguration de crèche ou de portion d'autoroute, et le jour où, malgré toute sa candeur, un mauvais juge le mettra en prison, prenez tout naturellement et immédiatement sa place. Personne ne s'en rendra compte et certainement pas la Chambre des députés puisque le vôtre n'y apparaissait presque jamais.
   Vous êtes alors député et devant le gâteau ? Servez-vous largement, piochez, faites des emprunts gigantesques au Crédit Lyonnais, ils ont l'habitude, et à la caisse noire du Sénat qui ne contrôle rien. Prenez votre pied et goinfrez-vous. Réclamez une voiture de fonction et même demandez-en plusieurs, pour vos proches et pour conduire vos gosses à l'école. Ne vous laissez pas aller à en accepter une d'occasion, réclamez du neuf, du puissant pour rouler à deux cents à l'heure : dites-vous bien que, comme élu du peuple, vous êtes quasi intouchable ! Distribuez des prébendes et des sinécures autour de vous pour vous assurer des voix, bien que vous ayez la ferme intention de tricher avec les urnes, mais sait-on jamais. Créez une association subventionnée d'aide au tiers-monde dont vous serez le président et votre épouse (ou votre maitresse) la trésorière, l'état ne refuse pas son argent au tiers-monde. Si vous sentez des réticences invoquez les Droits de l'homme et faites du tapage médiatique. Puis une fois satisfait utilisez les subventions à votre seul profit, c'est la règle. Car la meilleure cause médiatique, c'est la vôtre, sans aucun doute.
   Quoi qu'il en soit, député ou simple citoyen, consommez et gaspillez. Consommez, vous ferez des heureux chez les marchands. Internet vous y aidera si vous êtes du genre casanier. Mais consommer ne suffit pas il faut aussi gaspiller, satisfaire vos besoins immédiats est vulgaire. Vous devez apprendre à exiger le superflu, le bidule électronique dernier cri dont vous ne saurez pas vous servir, la fringue la plus délirante qui restera dans votre placard après l'avoir portée pour Halloween, la bouffe Patagonne acquise par correspondance pour épater vos amis et enfin le dernier CD de Machin, cinquante ans de scène, que vous n'écouterez jamais. Gaspillez comme ces sportifs "de haut niveau" de la Formule 1 qui non seulement se douchent au champagne mais, transportés par le bonheur d'être sur un podium, arrosent leurs amis, leurs admirateurs, les journalistes et tout ce qui passe à portée de goulot. Gaspillez partout, dans votre travail, dans vos loisirs et tous les jours que Dieu fait. Gaspillez, ce sera votre fonction sociale et ainsi vous aurez un but dans la vie. Faites-le méticuleusement en pensant à ceux qui sont dans le dénuement, les Africains (pas tous), les Indiens de l'Inde qui pulullent et qui ne connaissent pas la pilule contraceptive, les Tibétains du petit Vehicule, (petit, quelle honte pour ce grand peuple et son Lama) rendez grâce au ciel d'être prodigue et d'être né dans un pays riche.
   Et si, las de consommer et d'accumuler, vous décidez d'en finir avec la vie, précipitez votre automobile contre une autre, façon James Dean : double gaspillage de ferraille ; de toute façon vous êtes bien assuré et votre femme sera remboursée. De plus, vous risquez de passer en directe à la télé, au 20 heures, si vous calculez bien votre coup, vous gaspillerez ainsi opportunément le temps des téléspectateurs. Profitez-en aussi pour gaspillez votre sang et surtout celui de l'autre conducteur et de ses passagers éventuels. Vous atteindrez le sublime du gaspillage en versant des larmes sur vos victimes, si vous vous en tirez. Et si la télé vous filme à ce moment-là pensez au gaspillage de bande vidéo et de batterie.
  Vous l'ignorez peut-être mais l'hédoniste moderne, que vous êtes maintenant devenu, a droit au Bonheur, réellement droit, comme il a droit à la Santé, à la Sécurité, à la Protection de ses biens, au Travail, à une Sexualité, une vraie top niveau. Vous êtes à égalité avec SAS le prince de Monaco, Zinédine Zidane, Macron, Marine Le Pen ou n'importe quelle star du cinéma. Le droit au Bonheur est inscrit en filigrane dans les Droits de l'homme pour celui qui sait lire entre les lignes. Et si ce droit n'est pas satisfait, descendez donc dans la rue et cassez une ou deux vitrines. La télé y sera aussi, comme d'habitude. Enfin ignorez les réclamations des musulmans, ils ne connaissent que ça réclamer. Il veulent de la nourriture hallal, le port du voile, des horaires aménagés en fonction de je ne sais quelles prescriptions moyenâgeuses ? Envoyez-leur les brochures touristiques de l'Arabie Saoudite ou de l'Iran. Au besoin obtenez-leur des remises sur les billets d'avion mais seulement pour un aller simple. Idem pour ceux qui gâchent votre vie avec des exigences absurdes comme font les noirs, les vegans, les gilets jaunes et les ostrogoths, faites leur lire ce petit billet. Je ne réclamerai pas de droits d'auteur.

 
 (1) 1997, Marshall Applewite gourou de la secte Heaven's gate -porte du paradis- s'est suicidé avec 38 de ses disciples. Ils étaient convaincus que leur âme irait rejoindre Jésus en train de piloter un vaisseau spacial caché dans la queue de la comète Ale-Bopp. Un vrai gaspilleur celui-là et un con aussi.                                     

    Jean-Bernard Papi ©.2015-2019