Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète
Il n'y a de recette de jouvence que le rire.
Partageons nos plaisirs. Vous lisez ! J'écris !
Portraits de famille. (2000) Poèmes
Cent poèmes sur vous, sur eux, sur les autres. Ennemi juré du JE nombriliste qui empoisonne la poésie d'aujourd'hui, Jean-Bernard Papi avec sa férocité habituelle et son humour grinçant nous invite à partager ses portraits de famille jamais complaisants et rarement aimables.
Portraits de famille 95 pages 11,43 € sur Amazon
La peinture de couverture est de Marie-Claire Pajeille.
Quelques poèmes du recueil.
L'absent.
Les enfants disent adieu comme l'on monte dans le train, Dessin Dominique Peyraud la mort a tant de sens qu'elle n'en conserve aucun.
C'est une vacance un peu longue, un espace soudain devenu silencieux, il est parti, croit-on, pour Haïphong. Toute l'Asie cache, désormais, l'absent définitif. Mon ami, mon garçon, ne sois pas si naïf les morts ont grand besoin d'un peu de nos pensées et il est un devoir qui ne lasse jamais c'est de faire auprès d'eux la longue traversée sur la barque du temps qui s'en va d'ici vers un port inconnu. Que sont nos pères devenus ? Que reste-t-il de ceux qui croyaient changer le monde ? Rien. Si ce n'est ce tourment de les sentir se perdre dans nos mémoires profondes..
Agrippa d'Aubigné c'était le nom chargé d'épines du collège où il fallait aller quand on habitait les HLM d'une cité dite "à problèmes". Agrippa c'étaient les cabinets toujours bouchés et la cantine jamais lavée. Les graffitis en verlan partout tenaient chroniques des mesquineries des enseignants.
Certains disaient : Caravansérail, pour nous c'était juste une boutique que l'on soit Black que l'on soit Beur le même marché aux voleurs.
Mais Agrippa vaille que vaille nous distillait ce brin d'espoir de voir un jour bouger les choses... Ce n'était pas la vie en rose mais c'était mieux que le trottoir.
Aujourd'hui, quand je reviens sur ma moto voir les copains et la cité en passant, comme ça, je dis : Banco ! à ce vieux machin d'Aubigné.
Le dimanche matin, Thérèse et Lucien s'en vont pleurer sur la tombe de Médor au cimetière des chiens route de Rochefort. Te souviens-tu Lu-chien ? Nous l'aimions tendrement beaucoup plus qu'un cousin et autant qu'un enfant.
Il était plus doux que Marie-Lou plus alerte qu'Alberte plus aimant que Fernand et plus fidèle qu'Adèle.
Dévotement ce bon Lucien dépose un pot de géranium et puisqu'il est mécanicien il passe deux couches de minium sur la grille et les arceaux la plaque et la petite croix, car il doit être le plus beau le tombeau du cher pékinois.
Plus fleuri que celui de Kiki et plus grand que celui de Fanfan.
Thérèse en attendant a sorti son mouchoir : Les petits chiens ont-ils une âme ? Fera-t-elle dire une messe à sa mémoire ? Amen. Et son doux coeur se pâme.
Car il était en vérité plus saint que Sébastien plus croyant que Jean-Jean et plus pur qu'Arthur.
Vous les reconnaîtrez, ils aiment le chant des chiens au bord des nationales, mes cousins.
Ils gobent la télé. À l'heure du journal ils ne pensent à rien, mes cousins.
Ils sont de la farine qui fait du citoyen le gogo idéal, mes cousins.
Un petit peu voleurs mais plus souvent vandales on les croit maghrébins, mes cousins.
Leur héros c'est Mickey, un rat américain dont ils sont le féal, mes cousins.
Vous les connaissez bien, aux matchs de football ils sont dans les gradins, mes cousins.