Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

Sur les Gilets jaunes.

Mercredi 20 Février 2019
Sur les Gilets jaunes.
 
Sur les Gilets jaunes tout le monde a son mot à dire. Surtout lorsque foule ils s’assemblent à Paris ou ailleurs. Mais sait-on bien ce qu’est une foule, ce qu’elle a dans le ventre et comment elle se manœuvre ? Du temps du service national nos jeunes gens apprenaient collectivement qu’il existait un ennemi par le vaste monde « capable d’égorger vos fils et vos compagnes », ennemis qu’ils devraient ratiboiser le moment venu. Leurs chefs savaient qu’ils n’auraient guère de peine alors à les commander grâce à Gustave Le Bon (1), entre autres. Alors « Tous à Berlin » et la fleur au fusil. Nous parlons ici d’une foule mue par des sentiments forts et des passions communes, non un agrégat de promeneurs du dimanche préoccupés par leurs affaires. Les Gilets jaunes rencontrés sur les ronds-points étaient encore des agrégats par défaut d’objectifs clairement définis.
Dans « Ne vous laissez pas abrutir par les caporaux de Paris » publié le 1er novembre sur ce blog -17 jours avant l’insurrection- je donnais mes objectifs. C’était les miens pas ceux des meneurs des Gilets jaunes. Passons. Pour comprendre cette foule tournons nous donc vers Gustave Le Bon et sa « Psychologie des foules » (2) parue en 1895 et mal aimée depuis par tous les arpenteurs de bitume professionnels pour cause de « vision bourgeoise ». Certes la théorie de Le Bon, n’est pas exempt d’imperfections, mais l’essentiel est là. Que lit-on ? D’abord que la foule est régie par une loi dite d’unité mentale, c'est-à-dire par un objectif fort accompagné de slogans simples : « Tous ensemble, tous ensemble ». Dans cette circonstance, cette réunion d’individus possède des caractères nouveaux indépendants des hommes qui la composent. Leurs personnalités conscientes (3) s’effacent pour laisser place à des sentiments et des idées qui convergent dans une même direction. Cette foule « socio-psychologique » devient un être provisoire, souvent primitif, formé d’éléments hétérogènes soudés comme les cellules du corps. Elle acquiert dit Le Bon trois caractères importants :
- L’irresponsabilité de chaque individu: la foule les propulse vers l’avant comme des guerriers.
- La contagion inter individu : Une passion commune agite chacun et se propage aux nouveaux venus,
- La suggestibilité : Les individus sont comme en état d’hypnose prêts à obéir pour le pire comme pour le plus héroïque. Un sentiment d’antipathie ou de rejet, sous l’influence d’un meneur peut se changer en une haine féroce, alors que chez l’individu isolé ce serait au mieux de l’indifférence. Le meneur (ou leader), -qu’il soit du type rhéteur défendant ses intérêts dont le rôle est éphémère ou du type apôtre, fanatique qui croit en ce qu’il affirme, capable de mener la foule à ses pires excès -, pour commander utilise trois moyens d’action.
-  L’affirmation. Il émet une proposition simple, imagée et énergique. Inutile d’apporter des preuves, c’est la méthode dite religieuse : « Dieu est grand » ou « Tous pourris ».
-  La répétition. À la longue les slogans passent pour des vérités : « Persil lave plus blanc »
-  La contagion : Si le député X ou le meneur Z avancent qu’une idée est vraie, c’est qu’elle est vraie : D’où l’expression d’utopies : « Faisons payer les riches ». Ou de fantasmes : complots en cours, ennemis imaginaires, procès de rue, voire même lynchage.
Si le pouvoir ou les idées du meneur sont discutées alors c’est la chute, souvent sous les crachats. Au bout du compte et c’est rassurant, les foules se lassent d’elles-mêmes de leurs débordements, dit Le Bon. Elles entrent alors en « servitude » face à l’Etat.
De ce qui précède on voit bien que les foules sont peu justiciables et finalement peu responsables, raison de plus pour les canaliser fermement et arrêter les meneurs. Par contre l’individu isolé, lui est responsables de ses actes (pillages, incendies) ; il appartient d’ailleurs souvent aux agrégats qui suivent une foule « socio-psychologique » avec des intentions qui ne sont pas forcément celles de la masse.
 
(1) Gustave Le Bon, médecin, psychologue social (1841-1931). À propos de l'instruction des soldats, disait « faire passer le conscient dans l’inconscient ». Inspiré par les travaux en sociologie de Durkheim.
(2) Un des 20 livres qui ont changé le monde, selon Flammarion et Le Monde en 2010. À inspiré De Gaulle, Roosevelt…
(3) « Modification du Moi lorsqu’il (l’homme) est au sein d’un groupe agissant ». S Freud.
 
Jean- Bernard Papi ©

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