Jean-Bernard Papi, romancier, essayiste, nouvelliste et poète

                                                La littérature est un art de combat.  

Barkhane, où en sommes nous ?

Mercredi 18 Janvier 2017

 
 
 

   Prévues pour rester six mois -Qui a bien pu faire une prévision aussi nulle ? - les troupes françaises au Mali entament leur cinquième année de présence et leur domaine d’action déjà vaste dans un pays grand comme 20 fois la France, s’étend maintenant au Nigéria à la recherche de Boko harram. Mais tout ne va pas bien « dans le meilleur des mondes possibles » : nos soldats, à brève échéance, risquent fort de continuer à se battre à mains nues tant les matériels s’approchent à grande vitesse de l’instant zéro où ils seront cloués au sol par manque de pièces de rechange (non prévues à l’origine) ou pour être arrivés au bout du rouleau. Certains ont 30 et 50 ans d’âge, voire plus. Quelques journaux spécialisés en ont fait état, mais l’information tarde à pénétrer le grand public obnubilé par les campagnes électorales en cours. De toute manière les journalistes télé et grands médias ne savent rien ou ne s’intéressent pas à leurs soldats, sauf à les filmer dans la rue en tenue léopard et le famas à la main.
   Notre armée est une armée « coup de poing » faite pour des opérations chocs et rapides. De plus elle s’appuie, faute d’hommes en quantité (absence du contingent et restrictions budgétaires) sur l’intervention et l’utilisation de matériels sophistiqués : Rafale, avion ravitailleur C135, transports de troupe Transall et A400M Atlas ce dernier avec d'énormes difficultés sur les moteurs bien que neuf, hélicoptères d’attaque Tigre et Gazelle, véhicules de l’avant blindés (VAB), chars Leclerc… Si dans une guerre de mouvement de type 1940 on peut se permettre d’abandonner sur place un char devenu inutilisable, dans une guérilla dans laquelle l’adversaire est très mobile, et à peu de frais, il n’est pas question d’abandonner un matériel couteux déjà en peu d’exemplaires. Devant notre armée poids lourd sur les rotules, les djihadistes, in fine, ne pourront que gagner. État des lieux :
L’opération Barkhane en quelques chiffres (bilan au 01/08/2016) Sous toutes réserves.
- 3,5 millions de km parcourus par les drones Reaper, soit 9 fois la distance terre -lune.
- 6.500 m3 de carburant délivré par les avions ravitailleurs C135.
- 33 354 personnes acheminées par les avions de transport tactique de l’armée de l’air soit l’équivalent de 40 régiments de l’armée de terre, 5.350 tonnes de fret transporté.
- 300 personnes, malades ou blessées évacuées par les aéronefs de l‘Armée de l’air.
  Hélas ! En 2014 seul un tiers des hélicoptères de l’armée de terre était en état de vol !...  C’est le talon d’Achille de l’armée française : du fait de l’organisation complexe de la maintenance et de l’usure accélérée liée aux opérations extérieures, le taux de disponibilité (1) des avions et des hélicoptères est particulièrement préoccupant, voire catastrophique pour l’hélicoptère d’attaque Tigre notamment. En 2014 : 17,4 % de disponibilité seulement pour les Tigre soit 1 sur 6 ! La situation n’est guère meilleure pour l’hélicoptère de transport NH 90 en version marine : seulement 33 % en 2014. La marine dispose de 17 machines dont 10 en entretien, le 17ème NH 90 ne peut pas voler à cause d’un problème mécanique, ce qui est totalement inacceptable pour un appareil neuf, s’émeut le député rapporteur du budget de la marine. Même si la moyenne générale globale est de 38% de disponibilité pour les hélicoptères de l’armée de terre, nos capacités d’intervention sont très bridées par ces très faibles taux de disponibilité... On ne dispose pas des chiffres correspondants pour le détachement de l’Escadron Hélicoptère 1/67 Pyrénées (armée de l’air) à N’Ndjamena durant cette période même si l’on croit savoir que la disponibilité était meilleure. En 2016 les conditions ne se sont guère améliorées.
   La situation n’est guère plus satisfaisante du côté des avions : 28,8% de disponibilité pour le C 130 Hercules en 2014, moins que le C160 Transall (40.1 %)... pour l’avion de patrouille maritime ATL -2, sur les 22 appareils de la flotte la moitié est immobilisée pour rénovation sur son site de maintenance. La maintenance, parlons-en. Même une mitrailleuse légère de type AA52 doit changer son canon pour cause d’usure en fonction de son utilisation, il en est de même des réacteurs des Mirages et autre Rafales au bout d’un temps de vol déterminé, des hélices et appareils de bord à fort taux de fonctionnement. Pour les hélicoptères de l’armée de terre cette usure, conjuguée avec leur peu de fiabilité, est aggravée par le sable qui s’infiltre partout. En outre la maintenance n’est pas simple à des milliers de kilomètres de la métropole, elle est aussi couteuse en équipages et en heures de vol.
   Le ministre de la défense conscient de l’enjeu, a lancé un plan d’urgence qui vise à atteindre un taux de disponibilité moyen de 50 % pour 2019 ! Trop tard face à l’ampleur de la tâche. En 2016, au Mali et États limitrophes, on a noté une augmentation de 150% d’attaques Djihadiste par rapport à 2015. Plus encore, les faiblesses du système créent un cercle vicieux : faute de machines disponibles, les équipages de l’ALAT (2) ne peuvent suffisamment se former. Ce qui aboutit à un manque d’équipages entraînés utilisables en opérations extérieures. Cercle vicieux dont il faut s’échapper rapidement. Mais pour cela il faut des crédits. Le président Hollande dans son discours à Bamako le 14 janvier 2017, a passé la dotation française de 20 milliards d’euros destinée aux pays africains à 23 milliards sur cinq ans. Il serait bon monsieur le Président d’en sacrifier une partie pour acheter du matériel, même chez les européens voire les américains, afin d’aider nos militaires, sinon cette manne ne servira à personne, sauf à l’EI. C’est ça ou quitter le pays pendant qu’il est encore temps. Une bonne nouvelle quand même l’avion du Président est disponible à 90%.

(1) On appelle disponibilité le fait qu'un appareil est prêt à remplir la mission pour laquelle il a été construit dans un délais de 6 heures.
(2) Armée de terre.
 
   Jean-Bernard Papi © 01/2017
Nota : Les personnes intéressées peuvent consulter le site : Zone militaire opex.360.com et les différents dossiers de www.defense.gouv.fr
Également l'article : Mali.Extension du domaine des la guerre. in Journaldumali.com & Gao : à qui profite le crime. in  Le Pays (Ouagadougou) publiés par Courrier international n° 1369 du 26/01/17 au 1er 02/17

Hélicoptères "Tigre"


 

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